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Pour réussir la transformation numérique dans le médico-social, la dernière feuille de route gouvernementale “Accélérer le numérique en santé” a tracé une trajectoire adaptée pour ce secteur. Afin de valoriser et faire connaître les initiatives réussies et les projets en construction, L’Agence Nationale d’Appui à la Performance (ANAP) a publié un recueil sous forme de retour d’expérience. L’objectif: tirer les enseignements et les facteurs clés de réussite des acteurs de terrain. Dans cet article, on revient sur les 10 enseignements à tirer de ces retours d’expériences.
SOMMAIRE
- Adapter la feuille de route du numérique en santé pour le médico social
- Les mesures proposées
- Focus sur une action: le programme “ESMS numériquee
- 10 enseignements pour développer le numérique dans le médico-social
1. Adapter la feuille de route du numérique en santé pour le médico social
La feuille de route “Accélérer le numérique en santé”, portée en 2020 par l’Agence nationale du numérique (ANS), a dynamisé l’accompagnement des secteurs sanitaire, social et médico-social dans ce domaine. Le Ségur de la Santé a ensuite dégagé des moyens financiers sans précédents afin d’accompagner le secteur médico-social, dont le déploiement numérique reste très inégal. Ainsi, sur l’enveloppe de 2,1 milliards prévus pour investir dans les établissements médico-sociaux, 600 millions d’euros sont prévus à cet effet. La nouvelle feuille de route du numérique en santé propose une doctrine technique commune aux secteurs sanitaire, médico-social et social, en définissant les grandes orientations d’architecture et de déploiement du numérique. Si la cible est la même pour tous, la trajectoire nécessite d’être adaptée au contexte et aux enjeux du médico-social. C’est pourquoi la stratégie numérique ne porte pas sur les systèmes d’information purement administratifs et financiers mais s’intéresse davantage aux enjeux de gouvernance.
2. Les mesures proposées
La nouvelle feuille de route propose
- Une gouvernance inversée pour que les acteurs sur le terrain soient au cœur de la stratégie et fassent remonter les informations. Ici, ils sont invités à challenger les propositions et à se mobiliser pour porter leurs convictions, dans le but d’enrichir les orientations définies au niveau national.
- Des projets emblématiques pour mieux inclure les acteurs du médico-social au cœur des ressources numériques nécessaires aux parcours des usagers (Dossier Médical Partagé, Messageries Sécurisées de Santé…)
- Le déploiement de socles nécessaires à un développement du numérique de manière équitable sur tout le territoire, avec notamment le financement d’implémentations et d’évolutions du Dossier de l’Usager Informatisé (DUI)
Enfin, un soutien fort à l’innovation, avec pour objectif de se projeter dans les services numériques qui répondront aux besoins de demain et apporteront de la valeur aux métiers du médico-social. Des expérimentations sont d’ailleurs en cours grâce au 1er appel à projets “structures 3,0”.
3. Focus sur une action: le programme “ESMS numérique”
L’action 21 de la feuille de route dédiée au virage numérique vise à soutenir l’innovation et favoriser l’engagement des acteurs. Elle entend apporter un soutien particulier aux systèmes d’information médico-sociaux. Elle prévoit de les accompagner via un programme “ESMS numérique”. Ce programme veut doter tous les ESMS d’un DUI disposant d’un socle minimum de fonctionnalités pour tous les ESMS. Il vise à identifier les nouvelles technologies et solutions présentes sur le marché pour les faire converger avec les objectifs de la feuille de route.
Le but est aussi de développer les compétences numériques nécessaires à l’appréhension des nouvelles solutions numériques, y compris au niveau des métiers. Maîtrise d’ouvrage, product owners, pilotage, conduite du changement… Une première étape du programme dite “phase d’amorçage” consiste à tester l’implémentation du projet dans un délai court (2 ans) en vue de sa généralisation. Elle se déroulera entre 2021 et 2022 avec un financement de 30 millions d’euros.
4. 10 enseignements pour développer le numérique dans le médico-social
Si la feuille de route du numérique en santé propose une trajectoire dédiée au secteur médico-social, son application implique de profondes transformations dans les pratiques. Cela nécessite d’améliorer les relations avec les patients et avec les autres professionnels de santé.
C’est le constat fait par l’Agence Nationale d’Appui à la Performance (ANAP). Dans sa note “Virage numérique dans le secteur médico-social “Grands enseignements des acteurs de terrain”, l’ANAP souhaite valoriser et faire connaître les initiatives et les réussites du médico-social dans le champ de la transformation numérique. Elle recommande d’identifier les facteurs clés de réussite. De partager des expériences concrètes, et de faire mieux connaître les actions des acteurs du médico-social et son écosystème.
Pour cela, l’ANAP a interrogé 30 acteurs de l’écosystème médico-social d’avril à septembre 2020. Des représentants ainsi que des professionnels des structures ont ainsi pu partager leurs expériences concrètes. Ils se sont exprimés au sujet des différentes thématiques de la feuille de route « accélérer le numérique en santé”. L’objectif de cette publication est de proposer un retour d’expérience concret sur le déploiement des services numériques socles. Ainsi que sur la mise en place de plateformes numériques et de démarches innovantes. Ces entretiens ont permis de formuler 10 enseignements:
1) Tenir compte de la culture du secteur médico-social
L’ANAP promeut une transformation numérique émanant des professionnels. Au lieu d’être simplement vécu comme un injonction venue “d’en haut”, la transformation doit prendre sa source dans les initiatives de terrain réussies, afin d’en inspirer d’autres. Il doit surtout apporter de la valeur aux yeux des professionnels et des usagers.
2) Une transformation numérique inclusive
La crise du covid 19 l’a bien démontré. Le développement du numérique dans le secteur médico-social, social et sanitaire doit être fait dans la même temporalité. En effet, les secteurs sont très liés compte tenu des personnes accompagnées. Aussi, les professionnels interviewés ont souligné la nécessité de mieux se focaliser sur les besoins du domicile. Car les structures et les intervenants du domicile sont bien souvent les moins équipées en matériel informatique et en solutions, alors que le potentiel du numérique dans ces services est très grand.
3) Dessiner des projets numériques dans la durée
Trois points permettent aujourd’hui d’esquisser des trajectoires de mise en place du numérique qui s’inscrivent dans la durée. La mise en place de prérequis techniques (connexion réseau, Wifi, mobilité), l’informatisation des fonctions support (RH, finances/comptabilité, logisitique) et administratives (pré admission, admission, facturation), ainsi que l’informatisation des fonctions relatives au planning des personnels. Un indispensable est également le développement de la mobilité pour faciliter l’utilisation du numérique par les personnels. Et enfin, la mise en place du DUI permettant un déploiement progressif des fonctionnalités. A savoir le partage d’informations entre les intervenants, planning des usagers, liens avec les familles, circuit du médicament..Pour réussir ces démarches, il est bien sûr impératif d’assurer une articulation avec l’écosystème médecine de ville/hôpital.
4) Inscrire le soutien financier dans un programme de transformation
S’il les pouvoirs publics prévoit d’allouer 600 millions d’euros sur 5 ans pour accélérer le virage numérique des ESMS, le soutien financier n’est pas suffisant au développement du numérique. Il faut mettre en place un plan global de transformation. Le champ sanitaire en a d’ailleurs fait l’expérience. Le constat d’échec du simple financement par le “plan hôpital 2007 – 2012’” avait par la suite conduit les hôpitaux à mettre en place des programmes de transformation numérique impliquant un ensemble de leviers (RH, gouvernance). On peut penser ici au programme hôpital numérique, “HOP’EN”. Surtout, les professionnels interviewés soulignent le besoin d’utiliser les enveloppes financières pour soutenir l’investissement, via l’acquisition d’outils et de matériel. Les structures souhaitent notamment pouvoir investir dans des solutions fonctionnant sur un modèle d’abonnement. On pense par exemple aux solutions logicielles en mode service “Saas” (Software as a service) dont fait partie MerciDocteur.
5) Impulser la transformation par des leader d’opinion
L’enjeu de la transformation numérique est aussi de laisser de la liberté aux ESMS. L’objectif est que chacun puisse définir une stratégie adaptée qui respecte la feuille de route, mais fasse aussi sens au regard de son écosystème.
6) Mutualiser et coopérer
Conduire des démarches isolées sera évidemment contre-productif au déploiement du numérique. Coopération et mutualisation sont alors indispensables. Elles peuvent prendre plusieurs formes. Comme l’élaboration de cahier des charges communs, groupements d’achat, appui à la mise en place du SI. Ou encore gestion commune, identification de “leaders” pour faciliter la coopération…
7) Pousser les interactions entre le national et le régional
Les projets numériques en ESMS s’articulent autour d’informations et de ressources provenant du niveau national et régional. Les moyens mis en oeuvres peuvent alors varier en fonction du contexte: ils peuvent émaner des Agences Régionales de Santé (ARS), concernée le Dossier Patient Informatisé (DMP), la Messagerie de Santé, les dispositifs de télésanté… où les usages peuvent différer d’une région à une autre. La difficulté est donc de rendre plus lisible les services numériques mis en place au niveau national. Mais des difficultés de communication persistent encore. Cela est dû à la multiplicité et à l’hétérogénéité des outils régionaux, à la complexité des circuits administratifs et de l’articulation des métiers avec les services numériques: e-parcours, DMP, MSS, e-prescription…
8) Promouvoir la gouvernance régionale
Suite au retour d’expérience du déploiement du DMP, l’enjeu est aujourd’hui de soutenir la gouvernance des ARS pour répondre aux besoins de terrain. Les ARS demandent au pouvoirs publics de promouvoir la coopération et la coordination entre ARS, Grades (Groupement régional d’appui au développement de la e-santé) et l’Assurance maladie pour le déploiement des services numériques.
9) Favoriser la poursuite de l’innovation
Ici encore, les professionnels interviewés insistent sur le besoin d’aller plus loin en termes de services numériques, au-delà du Dossier Usager Informatisé. Ils souhaitent la création de “nouveaux services à valeur ajoutée, reposant sur le numérique pour les personnes accompagnées et leurs proches ainsi que pour les personnels et les structures et services.
10) Accompagner les acteurs à tous les niveaux
Enfin, l’ANAP affirme que la transformation n’est possible qu’avec un accompagnement des acteurs à tous les niveaux. De la vision stratégique jusqu’à la mise en œuvre opérationnelle. Cela passe par la formulation d’une “vision” par les “leaders”. Ils viennent sur le terrain pour confronter cette vision à la réalité opérationnelle. Cela leur permet de définir une bonne temporalité pour impulser cette transformation. Après avoir définie une stratégie, la déclinaison opérationnelle peut avoir lieu sous forme de projets co-construits avec les acteurs de terrain. Les professionnels interrogés le soulignent: un projet de transformation numérique est un projet “organisationnel”. Il doit être “conduit comme un projet de conduite du changement”.